• "Les certitudes absolues sont des prisons."
    (Friedrich Nietsche 1844-1900)

Les Châteaux de Champcueil

Le patrimoine architectural historique de Champcueil se réduit aujourd’hui à sa seule église et de façon plus marginale, au château du Buisson, mais dans le passé, le village accueillait d’autres bâtisses de prestige.

Ainsi, il y eut à Beauvais, à la fin du moyen âge, un logis seigneurial, qui pouvait être une ferme seigneuriale fortifiée, où logeait la famille des vicomtes  Beaudoin de Corbeil-Beauvais[1]. Il y eut plus tard, du XIVème à la fin du XVème siècle, une ou plusieurs bâtisses conventuelles sur Champcueil. (Vue 1)

 Le logement seigneurial beauvaisien a disparu depuis fort longtemps, tout comme le couvent. Seuls subsistent sur le cadastre les noms des rues qui y conduisaient ou des lieuxdits qui les portaient. 

Il  subsistait encore, à la fin du  XVIIIème siècle, deux chapelles votives et deux châteaux seigneuriaux.

Les chapelles, toutes deux en mauvais état, ont été détruites. La première, située au nord de Champcueil et dédiée à Saint Thibault, (Vue 2) a été démantelée en 1800. Le mobilier et les objets de culte qu’elle contenait encore avaient été transférés dans l’église du village.  La seconde chapelle, située sur Beauvais et dédiée à Saint Hubert, (Vue 3) avait été revendue en 1796 comme bien public à un habitant, Mr Maréchal qui la revendit à Savary, duc de Rovigo, châtelain de Nainville-les-roches. Cette chapelle sera rasée vers 1850.

Des deux châteaux il ne reste que celui du Buisson, profondément transformé au cours des siècles passés. Le second château, bâti en face de l’église, là où se situe aujourd’hui la Mairie, a été rasé en 1874 par Charles Leroy, afin d’édifier à la place une grande maison bourgeoise, rasée à son tour par le propriétaire en 1909.

Le présent article retrace l’histoire de ces deux châteaux féodaux[2].

Il est complété par une galerie de gravures et de photos qui concernent les édifices cités, classés selon les dates. Les Vues de la galerie se rapportant au texte sont indiquées en rouge. (Vue x)

I  Le château de Champcueil.

Le Château de Champcueil avait été érigé à une date inconnue, en face de l’église, là où se situe aujourd’hui la mairie. Aucune information ne permet d’affirmer qu’ Eudes de Chancolia, premier seigneur connu de Champcueil-Chancolia en 1096, habitait déjà ce château.  C’est certainement Beaudoin VI de Corbeil-Beauvais, qui l’habita le premier.  Nous étions alors au XIIIème siècle au moment de l’agrandissement de l’église de Champcueil, décidé par la fille de Beaudoin VI, Péronnelle de Corbeil, née  vers 1210 et dite “de Champcueil”.

Vicomte de Corbeil de 1210 à 1239, Beaudoin VI se partageait alors entre Corbeil et Beauvais et l’on peut supposer qu’il fit bâtir son château féodal  à deux pas de l’église afin de profiter du prestige que l’édifice religieux, agrandi par la volonté de sa fille, conférait à Champcueil. La donatrice-fondatrice Péronnelle fut d’ailleurs inhumée dans l’église de Champcueil.

 Ces premiers seigneurs seront suivis de Beaudoin VII de Corbeil- Beauvais , puis de Beaudoin VIII de Champcueil.  Dans la seconde moitié du XIVème siècle, Foulques de Marcilly, familier de l’abbaye des Vaux de Cernay,  deviendra seigneur de Champcueil après ses « hommages et aveux[3] » au roi.  On sait, par les aveux d’Enguerran de Marcoignet son successeur, que Foulques de Marcilly avait contribué à l’installation, au nord du village, d’un “couvent” aujourd’hui disparu. Il est plausible que ce couvent ait pu dépendre de l’ordre cistercien, comme les Vaux de Cernay. Mais selon Enguerran  de Marcoignet, une partie du fief de Champcueil dont il prenait possession avait été confiée par Foulques de Marcilly à une autre congrégation religieuse, les Chartreux de Vauvert-Lez-Paris.

La famille Marcoignet conservera le fief de Champcueil jusqu’en 1506 puis il sera cédé aux Bollart qui conserveront le fief et son château jusqu’en 1612. Le fief sera alors vendu à Nicolas Neufville, seigneur de Villeroy, à Mennecy, (Vue 4) qui avait déjà plusieurs possessions sur Champcueil.

Propriétaires d’un magnifique château dans le parc de Villeroy, à Mennecy et d’autres propriétés, les Villeroy possédaient le château de Champcueil, témoin de leur emprise sur le village, mais ils  ne l’habitaient pas.

Devenus pairs de France, les ducs de Villeroy seront seigneurs de Champcueil jusqu’à la Révolution. Le dernier sera Gabriel-Louis de Neufville, guillotiné en 1794.

 Au début de la période révolutionnaire, le château de Champcueil, devenu bien national sera vendu au citoyen Picard-Cellery, qui avait été désigné Agent National par ses pairs. Ouvrons une brève parenthèse à ce sujet.

Les identités des signataires du cahier de doléance de Champcueil en avril 1789, puis celles de la première Assemblée communale et des hommes politiques à l’initiative dans les années qui suivirent la Révolution, témoignent d’une « récupération » par des personnalités liées à l’ancien régime.  On retrouvait en 1790, à la tête de la commune, aux côtés du premier maire, Blanchard de Boismarsas, lequel avait été conseiller du roi pour l’élection septième de Melun, un de Bizemont, châtelain du Buisson, le curé du village Claude Blanchard, un membre de la famille Leroy et plusieurs propriétaires ou fermiers importants de la commune, dont le sieur Picard qui sera nommé Agent National et qui rachètera le château. (Vue 5)

L’église, devenue « Temple de l’Être suprême » en 1791 servit brièvement de salle de réunion à l’Assemblée communale, qui utilisa ensuite une salle du château.  C’est au début du XIXème siècle, que  Charles Leroy, industriel parisien déjà propriétaire de plusieurs fermes et biens sur Champcueil, rachètera le château,  qui allait servir de « résidence secondaire » parmi d’autres[4], et de rendez-vous de chasse pour cette famille.  Une gravure unique, (Vue 6) que l’on peut dater de 1850-60, soit sous Napoléon III, d’après les tenues des participants, montre le départ d’une chasse organisé par les Leroy devant le château, sur le “chemin de Ballancourt à Champcueil” devenu rue des Montcelets. La tradition des chasses et des battues sera maintenue par la famille Leroy depuis leur résidence des Montils, bien après son départ du village.

 Sur la gravure, derrière le mur qui longe le chemin empierré allant aux Montcelets, on devine le château féodal, réduit à une tour carrée aux murs épais et aux fenêtres manifestement agrandies, surmontée d’un mât qui porte une bannière indéchiffrable. On voit également les dépendances enserrant le château.

 C’est  Charles Leroy qui fera raser ce château féodal en 1874, pour faire édifier à la place une grande maison bourgeoise en pierre de taille. (Vues 7 et 8)

Il disposait alors d’une autre résidence en Seine-et-Oise, à Quincy-sous-Sénart. (Vue 9)

Ce nouveau “château” Leroy demeurera dans la famille jusqu’en 1909. Un conflit survint alors entre le propriétaire, Isidore Leroy, fils de Charles et des membres de la municipalité champcueilloise lors des élections de 1908. Les Leroy étaient catholiques engagés et ce conflit fut peut-être en rapport avec la loi de séparation de l’église et de l’état qui venait d’être promulguée.  Par dépit ou par vengeance, on ne sait, Isidore Leroy fera raser la grande maison bourgeoise édifiée en 1874. ( Vues 10 et 11) La famille Leroy, qui possédait encore le quart du foncier du village, dont les propriétés des Montils et du Buisson,  cessera alors toute participation municipale directe.

De cette belle demeure bourgeoise qui avait remplacé le château féodal, il  ne subsistera pendant un demi siècle qu’un terrain vague et un tas de gravats, envahi de ronces et d’orties. La construction de la mairie et du foyer rural en 1983 effaceront définitivement ces vestiges du passé. (Vues 12, 13 et 14)

 

 

II  Le Château du Buisson

Le château du Buisson existait déjà lorsque Mathieu de Bizemont s’y était installé en 1471. À la même époque, d’autres branches de la famille de Bizemont allaient s’installer à proximité : à Mondeville au château de Mézières et à Soisy-sur-École au château des Réaux.

Aucune gravure ancienne connue ne représente le château du Buisson, mais il existe une photo d’avant les travaux engagés à la fin du XIXème siècle. (Vues 15 et 16) L’ancien château devait y ressembler, avec peu d’ornements. Proche du hameau de Loutteville, il ne devait comporter que sa ferme seigneuriale et quelques chaumières où logeaient les serviteurs.

 

A la Révolution, le Buisson ne sera pas vendu comme bien national et Nicole-Marie-Adélaïde de Bizemont, épouse Mangin-Douence en restera propriétaire.  En 1801, la propriété du Buisson reviendra à une parente, Anne Fraissy de Rive qui le vendra ensuite à Thierry de la Mark.

Lorsqu’il rachètera le Buisson en 1827, Antoine Louis Bréguet, industriel  parisien, trouvera un château en mauvais état. Le château sera remanié pour le rendre habitable, des jardins redessinés.

C’est également durant la possession du Buisson par les Bréguet que sera érigée vers 1875, la « Tour du Buisson ». ( Vue 17) C’est un gendre Bréguet, le docteur Pierre Lionet, chirurgien à l’hôpital de Corbeil et époux de Melle Bréguet qui avait fait construire cette tour, entièrement bâtie en grès provenant des carrières voisines.  Mr Lionet y avait installé un observatoire à usage personnel.

En 1887, la famille Bréguet cèdera le château et les terres attenantes à M. Trusson qui les revendra à Isidore Leroy, dont la famille possédait  déjà sur la commune la propriété des Montils, la maison de maître construite en 1874 en face de l’église et d’autres biens. C’est à cette période que l’aspect extérieur du château fut embelli, lui conférant un style haussmannien. (Vue 18) Au tout début du XXème siècle, seront ajoutés au nord du château, côté jardin, une éolienne orientable, dite « turbine », (Vue 19) destinée à pomper l’eau d’un puits vers une citerne surélevée,  et deux courts de tennis.

 En 1922, le Buisson sera vendu par la famille Leroy à M. Taquet qui le revendra à M. Delage, industriel parisien de l’automobile.  Dix ans plus tard, le 28 janvier 1932, le Buisson, fermes et carrières seront vendus par M. Paul Delage aux frères Marcel et Gabriel Chaumien, fils de restaurateurs versaillais[5].  La propriété comprenait alors les terres et les fermes de Noisement.

 

Les frères Chaumien conserveront le Buisson et ses fermes jusqu’au milieu des années soixante où la propriété sera alors démantelée. Le château du Buisson, avec les dépendances attenantes, dont la ferme, sera revendu pour être transformé en Institut Médico Pédagogique pour adolescents handicapés par M. Cathala, homme d’affaires et maire de Neuilly-Plaisance. (Vue 20) La ferme du Grand Noisement sera vendue et transformée en résidence particulière. Seule la ferme du Petit Noisement restera en activité.   C’est Marie-Thérèse Vercruysse, fille de  Norbert Vercruysse et de son épouse,  précédents agriculteurs aujourd’hui décédés,  qui cultive actuellement 70 hectares de terres au Petit Noisement.  

Enfin, les bois et terres non cultivables du domaine ont été rachetés par le département de l’Essonne pour être intégrés au Parc Naturel du Gâtinais Français.

 

À ce jour, le château du Buisson abrite toujours un  I .M .P. (Vue 21)

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Pour plus d’information contacter l’auteur. http://jours-de-fete.fr/contact/

 

[1] Voir Champcueil l’histoire retrouvée Tome I, pages 25 à 40.

[2] Féodal vient de « fief ».  Un fief est une « tenure » noble : château, terres, villages…, qui relève d’un seigneur, d’ecclésiastiques ou du roi. Champcueil fut un fief sous la coupe de seigneurs avant la révolution.

[3] Lors de la prise de possession d’un fief, le seigneur adressait des Hommages au roi en signe d’allégeance. Cette soumission était complétée par des aveux, qui faisaient la liste des possessions du seigneur.

[4] Le château de Quincy sous Sénard

[5] La famille Chaumien possédait « l’Hôtel Vatel » à Versailles.

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